Aria Primitiva - Sleep No More album

Aria Primitiva
Sleep No More

Label : Monstre Sonore
Edition : Wtpl-music
Date de sortie digitale : 29/03/2019
Date de sortie physique : 29/03/2019 - CD Digipack et LP 30cm Vinyle
Distribution : INOUIE DISTRIBUTION
Genre : rock électro symphonique - ambiant - classique contemporain - alternative - post rock
Nombre de pistes sur CD : 9 | Durée : 53:35
Nombre de pistes sur LP : 5 | Durée : 35:20
Musiciens : Nadia Ratsimandresy : Ondes Martenot - keyboards
Cécile Thévenot : keyboards - sampler
Thierry Zaboitzeff : bass - cello - vocals – sampler - progamming
Composition : Thierry Zaboitzeff sauf sauf Helden, composé par Brian Eno/David Bowie, édité par Jones Music/Mainman Saag LT/E.G. Music LTD ainsi que Hystamack et Kletka qui sont des improvisations collectives.
Artwork : Thierry Moreau
℗ 2019 Thierry Zaboitzeff/Monstre Sonore
© 2019 WTPL Music

inouie distribution

Chroniques

par Dominique Genin (2020)

ARIA PRIMITIVA Sleep No More
WTPL Music/ Monstre Sonore | - 56'26- FRA ‘18
RIO, Avant-Prog

Il y a environ 2 ans, je vous parlais du nouveau projet de Thierry Zaboitzeff, un trio improbable
mais magique. Il nous sortait à l'époque une première ébauche de l'album que je vous présente
aujourd'hui sous forme d'un EP. intitulé Work in Progress.
Mais petite récap tout d'abord pour vous re-situer la chose.
En 1971, Zaboitzeff intègre Art Zoyd qu'il refonde totalement en 1975 en compagnie de Gérard Hourbette. Ce seront les grandes années du groupe, de superbes albums et des grandes créations, comme les musiques composées pour les ballets de Roland Petit {un must}.
En 1997 il quitte le groupe. Art Zoyd va poursuivre sa quête de musiques nouvelles, de plus en plus nouvelles, de plus en plus complexes et parfois assez hermétiques. Thierry, lui, saura mieux doser dans ses projets personnels, avant-garde et accessibilité.
Depuis, il a sorti près d'une vingtaine d'albums où se côtoient l'expérimental, le rock symphonique et les musiques électro-acoustiques. Lors d'un concert anniversaire, il rencontre deux jeunes musiciennes déjà dotées d'une belle expérience et, surtout animées d'une même curiosité artistique. Nadia Ratsimandresy est diplômée en Onde Martenot du conservatoire de Paris et Cécile Thévenot est une pianiste formée entre autres au conservatoire de Dijon.
Ils décident de s'aventurer dans un projet commun où les sonorités impalpables des Ondes
Martenot de Nadia, des samplers hypnotiques de Cécile s'allieraient au violoncelle et au chant
de Thierry. Mais au-delà d'un cocktail étonnant de sonorités, le trio désire avant tout explorer la
confrontation des musiques primitives et de celles dites d'avant-garde. Le projet mûrit, ils sortent un EP d'une petite vingtaine de minutes et se produisent en concert en Europe.
Cet album confirme ce qu'ils nous avaient laissé entrevoir. Ce premier vrai opus comporte 9 titres dont les 3 retravailés de l'EP. Avec Endayi Endesi, composition qui ouvre l'album, les ingrédients de la formule du Zab nous sont présentés. Sleep No More nous est-il demandé ensuite, une reprise de la composition d'Art Zoyd {sur Vorgänge en 87), pas de danger de s'endormir, même s’il fait très sombre ici. La composition phare de l'album, Aria Primitiva, est l'ambassadrice de l'album et résume bien l'objectif du trio, créer une musique électro-acoustique intense et contrastée, où l'intimisme se mêle au volcanisme, où les percussions tribales et hypnotiques
s'allient aux vocalises gutturales de Zaboitzeff “ et s'opposent à la douceur évanescente des'‘harmoniques fugaces des claviers et des ondes Martenot.
Maïdaykali est de la même veine, son volcanisme fait penser à Magma {sic}, On se sent tout
zeuhl, devant ces éructations vocales à la Vander
Helden, qui outre-Rhin, signifie Heroes, est bien la reprise dans la langue de Goethe, Marx et Lagerfeld (entre autres) du fameux titre de Eno et Bowie, plus proche ici de l'interprétation d’Apocalyptica que de la version originale.
Deux titres, Hystamack et Kletka très Ambiant, impressions sonores dominées par les claviers et des ondes Martenot furent enregistrés live à Salzburg et sont en fait des impros. Idem avec Nixen, minimaliste et délicat.
Mais ouvrez donc cette. porte clôt étrangement cet album pas facile d'accès donc, mais superbement original, qui ose explorer et sait découvrir des mondes inconnus mais captivants.
N'est pas explorateur qui veut et ainsi soit-il.

Dominique Genin (Prog-résiste 100)

HIGHLANDS MAGAZINE (F)
par Catherine Codridex 02/2020 N°101

Aria Primitiva — Sleep No More
(WTPL Music BTZAP001, 2019, CD)

Chroniquer un album de Thierry
ZABOÏTZEFF est toujours une aventure et cela depuis plus de vingt ans.
Que ce soit avec ART ZOYD et son comparse feu Gérard HOURBETTE dans les années 70,
qu'il participe à une myriade de projets liés au cinéma, au théâtre, à la danse, ce compositeur, bassiste, violoncelliste, chanteur et j'en oublie nous surprend toujours. Un peu moins de vingt albums dans sa discographie, tous différents et tous nous tenant en éveil.
C'est sous la forme d’un trio, ARIA PRIMITIVA, que nous est proposé SLEEPNO MORE.
À ses côtés, Nadia RATSIMANDRESY aux claviers et ondes Martenot ainsi que Cécile THEVENOT
aux claviers et samples. Un Ep de trois titres nous avait mis les oreilles en ébullition en2017.
La suite ne va pas les apaiser. L'idée de base du projet est: « synthétiser des rythmes primitifs avec les derniers sons de l’avant-rock». La pochette représente des masques africains apeurants du plus bel effet. Mais ce visuel ne doit pas trop attirer notre attention. Il faut rester concentré sur la musique, son domaine et son règne. Impossible de renier les ambiances sombres et agitées d’ART ZOYD, le chant profond et inspiré, le langage inventé ce qui a fait relier le groupe à MAGMA pendant quelque temps. Mais, depuis, ZABOÏTZEFF avance, cherche, connecte des éléments improbables. Ici l’utilisation des ondes Martenot. Je vous passe le côté technique du truc, vous ferez comme moi en allant chercher sur Internet le fonctionnement.
Le résultat donne des sons cosmiques vibrants d’une légèreté folle comme sur le morceau d'ouverture Endeyi Endesi. Introduction courte et vaporeuse puis accords guerriers délivrés par le piano, basse puissante et rythme fort. Une mélodie se détache, facile à suivre malgré la complexité et la richesse de toutes les subtilités qui l'entourent.
Sleep No More plonge au cœur d’un village africain. Aboiements au lointain, chants syncopés, déclamations gutturales avant que la musique prenne de l’ampleur. Hypnotique, en boucles successives. Réveil brutal et plein de vie. Hystamack est la vitrine de tout ce qui est réalisable avec le Martenot. Au départ glissements aigus telles des ondes provenant d’une vieille radio,
à l'écoute, pour moi, des chants d'oiseaux. Est-on en dialogue avec des «petits hommes verts » ou avons-nous les pieds sur terre au milieu d’une forêt grouillante d'amis ailés? La douceur laisse place à un chaos apocalyptique, à une explosion de peurs et de destructions. Introduction aérienne pour Maïdaykali, sons en apesanteur qui vibrent en se développant. Quelques touches de percussions dans un univers aseptisé. Mais attention, le réveil en fanfare arrive. Contraste saisissant. Chant agressif, puissant, renversant. Le rythme vous capture, les pieds bougent et nous voilà emportés dans un tourbillon incandescent. C’est juste effet Waouh! Arrive en plein milieu de l'album Aria Primitiva. Quatorze minutes haletantes. Basse, piano, sonneries, grincements, craquements, tintements. Changements de rythmes, d’ambiances. La musique prend divers chemins en faisant attention à ne jamais nous perdre. Détail après détail elle nous guide en posant des petits cailloux blancs qui retiennent notre attention. C'est addictif au-delà de l’imaginable. Après un tel moment arrive la peur d’être déçu par le morceau suivant Nixen. Il offre dans sa première partie un moment de pause avec la douceur du piano sublimée par l'acidité des ondes. Dans un deuxième temps l’instrumentation s’élargit encouragée par des effets sonores circonstanciés. Souffle de vie gracile. Encore un moment magique, totalement différent du reste de l’album. Que dire de l’appropriation de la chanson de Brian Eno et David Bowie Heroes qui devient en allemand Helden? Créée en anglais et allemand, chantée ici dans cette langue. Bruit de bottes lourd, au rythme du pas de l’oie en son ouverture, frissons. Thème doux avec les ondes Martenot pendant que le chant venu des profondeurs nous prend aux tripes. Solennel et mystique, troublant et funeste.Une des plus belles interprétations de ce succès planétaire. Emotions conservées, son modernisé. Gravité et noirceur se prolongent avec le morceau improvisé et live Kletka. Dérangeant car sans mélodie mais empli de sonorités qui apparaissent au fil des boucles. Vraiment riche et audacieux. Mais Ouvrez Donc Cette Porte nous conduit vers la sortie, sans essayer de nous rassurer. Toujours flippant sans être exagérément agressif. Rappel des influences du compositeur, Stravinsky en écho. Sleep No More, c’est le moment de sortir des brumes de la facilité, d'écouter, de savourer.
Après la notation ***** il ne reste plus que Fabuleux, Grandiose, Génial et j'ose les employer.

Catherine CODRIDEX

EXPOSE (USA)
par Peter Thelen 25/04/2019

Aria Primitiva — Sleep No More
(WTPL Music BTZAP001, 2019, CD)
Published 2019-04-25

It wasn’t that long ago that we reviewed the three song teaser Work in Progress, which was a preview of sorts to this, Aria Primitiva’s first full-length foray into their unique soundworld, a hypnotic avant-garde soundtrack seemingly suspended in a nightmare, offering many bizarre and curious twists as it proceeds, as well as deep forays into unexpected new territories. The band is led by one-time (long, long ago) Art Zoyd cellist and bassist Thierry Zaboitzeff, here adding sampler, programming, and vocals to that list, as well as responsibility for most of the compositions, save one Eno / Bowie composition (“Helden,” which they do a splendid job on) and a couple group impovisations. Nadia Ratsimandresy plays keyboards and the ondes Martenot, and Cécile Thévenot plays keyboards and sampler. There are no drums per se, but programmed beats which, along with the keys, ondes martentot, and samplers often give these works a very aggressive electronic feel, almost other-worldly at times. Three of the pieces here were presented on the EP, including the fourteen-minute centerpiece of the album “Aria Primitiva” and the title track, both perhaps remixed with a bit more punch, and the six-minute “Maidaykali” is about a minute longer with additional improv added to the beginning. The growling vocals on the latter will certainly recall Magma in their Üdü Ẁüdü and Attahk period, and they also seem to be in some mysterious language. The opener, “Endayi Endesi,” pits a powerful and eerie melody against the chattering bottom end, with some vocals only appearing in the last half-minute, like an introduction. “Kletka” is one of two live group improvisations (the other being “Hystamack”), both relatively short interludes of a few minutes joining the more high-powered elements in the program, but their inclusion is essential. “Nixen” opens with an articulate and soft piece for piano, which switches into a more electronic based piece at midpoint highlighted by voices, effects, and cello, making for a nice break after the high powered intensity of “Aria Primitiva.” All taken, Sleep No More more than lives up to all the expectations set by their impressive 2018 EP.

BABYBLAUE SEITEN (D)
par Achim Breiling 07/04/2019

Aria Primitiva — Sleep No More
(WTPL Music BTZAP001, 2019, CD)

Aria Primitiva sind Thierry Zaboïtzeff (ehemals einer der beiden Köpfe von Art Zoyd), Cécile Thévenot und Nadia Ratsimandresy, und man ist in dieser Besetzung seit 2017 aktiv. Ratsimandresy gehörte zur wohl letzten Besetzung von Art Zoyd (wenn wir einmal annehmen, dass die Formation nach dem Tode Gerard Hourbettes Geschichte ist), und ist z.B. auf "Phase V" zu hören. Gemeinsam mit Zaboitzeff hat sie auch schon bei den Art-Zoyd-Jubiläumskonzerten auf der Bühne gestanden (siehe "44 1​/​2 - Live + Unreleased Works").

Da auch Cécile Thévenot sich vorwiegend in experimentellen Klanggefilden aufhält, und auch schon im Umfeld von Art Zoyd tätig war, haben sich hier also durchaus klangverwandte Seelen zusammen gefunden. Warum also auf der Internetpräsenz der Formation (eine Unterabteilung auf Zaboitzeffs Webseite) das Ganze als 'unlikely trio' bezeichnet wird, ist etwas unklar. Vielleicht wegen der geschlechtsspezifischen Zusammensetzung? Aber, das sollte man heutzutage doch auch nicht mehr als ungewöhnlich ansehen.

Wie auch immer, aufgrund der jeweiligen musikalischen Hintergrundes der drei Beteiligten sollte auch klar sein, welcher Art Musik auf "Sleep No More", dem im März 2019 erschienen Debütalbum des Projekts zu finden ist. Drei Nummern des Albums wurden schon 2018 auf der EP "Work in Progress" veröffentlicht. Das Titelstück war zudem in seiner Urversion (ohne Beteiligung der beiden Damen) einstmals als Download-Single erhältlich (siehe "Aria Primitiva"). Nun gibt es also die 'full version' (wie extra auf dem Cover vermerkt).

Elektronisches, Samplerklänge, und allerlei Keyboardexkurse treffen auf Zaboitzeffs Bass, sein Cello, und bisweilen seine recht eigentümlichen, sonor-heiser-grunzenden 'Gesangsdarbietungen', ab und zu unterlegt mit programmierten perkussiven Mustern. Da Zaboitzeff wohl meistenteils für die Komposition zuständig war, unterscheidet sich das Gebotene nicht allzu sehr von der auf seinen vorhergehenden Soloalben zu finden ist. Auch das rezentere Klangschaffen von Art Zoyd ist hier nicht sehr weit weg.

Eine trotzdem recht eigene Suite aus avandgardistischer Elektronik mit Progcharakter gibt es auf "Sleep No More" zu hören, die sich meist eher düster und bedrohlich voran arbeitet. Momente mit freiformatigerem Wogen und Schweben sorgen genauso für Abwechslung, wie allerlei experimentelles Tonbasteln und Improvisieren (man höre z.B. das wüste "Hystamack" oder "Kletka"), von pulsierenden Beats oder sehr authentischen perkussiven Imitationen unterlegte, rockig-sperrige Abschnitte, diverse Klangverzierungen vom Sampler (die Zaboitzeff-erfahrenen Hörern bisweilen bekannt vorkommen werden), verträumtem Klangmalen ("Nixen") und fast in Richtung Artrock gehende Songs (zumindest das eigentümliche "Helden" - von Zaboitzeff in Deutsch vorgetragen). Das Ondes Martenot sorgt zudem für neue (im Vergleich zum bisherigen Solowerk Zaboitzeffs), klassisch-elektronische Klangfarben.

"Sleep No More" ist alles in allem ein gelungenes Album das eine ausgewogene und dicht verwobene Mischung aus Elektroprog, experimentellen Klangbasteleien, klassischer Elektronik und Avantprog bzw. elektronischen Kammerrock im Geiste von Art Zoyd (oder Zaboitzoffs Soloschaffen) bietet. Das Ganze hat einen sehr mächtigen und detailreichen Sound, und kann durchweg überzeugen, auch wenn dem Rezensenten einige Stellen mit etwas monoton wummernde Ums-Ums nicht so zusagen. Man gewöhnt sich aber daran.

Veröffentlicht am: 7.4.2019
Letzte Änderung: 14.4.2019
Wertung: 12/15 

KOID9 (F)
par Renaud Walid 05/2019 n°108

Aria Primitiva
Work in Progress / Sleep No More

(Booster / WTPL Music / Monstre Sonore /
Inouïe Distribution)

Et voici le nouveau projet de Thierry Zaboitzeff, l'une des deux têtes du groupe Art Zoyd de 1971 à 1997. Entre 1997 et 2017 Thierry a produit 18 albums entre rock symphonique, musique électronique et acoustique.
Composé de Nadia Ratsimandresy, ondes martenot, claviers,samplers, Cécile Thévenot, claviers,
samplers et Thierry, composition, guitare basse, violoncelle électrique, voix, samplers,
Aria Primitiva, le « trio improbable », comme l'indique l'artiste lui-même, est magique, à plus d'un point. Le groupe a été en résidence à la Maison Folie Beaulieu de Lomme puis en concerts durant l'année 2018 (festivals les intemporelles, Soignies et les Tritonales, le Triton - Les Lilas, concerts ARGEkultur, Salzburg et Porgy & bess, Wien).

JC Alluin annonce d'emblée la couleur sur le CD : « Carrefour imaginaire a la croisée d'itinéraires personnels denses et exigeants, Aria Primitiva agrège les courants, les références, se créant un vocabulaire unique en transposant l'auditeur dans une succession de dédales imagés aux détours parfois abrupts, savamment agencés, car, ici, la quiétude n'est jamais de mise trop longtemps... Post Rock ? Symphonique ? Tribal ? Contemporain ? Européen ? Ambient ?"

Commençons par le commencement en expliquant comment s'est faite cette rencontre, Thierry a rencontré Nadia et Cécile pour l’un des derniers concerts anniversaire d'Art Zoyd au Phénix de
Valenciennes en décembre 2016, auquel il participait en tant que compositeur et membre historique. Cet événement, très intense musicalement et affectivement, a su faire coincider leurs univers singulièrement divers. Il a reconnu en elles cette même curiosité artistique, ce langage commun qui s’affranchit des mots, une énergie primitive, qui sait ? Il est des instants de l'existence qu'il faut savoir entendre, celui-ci en fut un et ils se sont proposés de le faire sonner. Le trio s’est formé sur cet accord presque parfait entre eux, pourtant improbable, il s’est imposé
comme une évidence.

Le trio offre des sons nouveaux, une sensibilité particulière, un choc de cultures bouillonnant dans le creuset du magma humain. L'idée de mêler des sonorités impalpables aux rythmes tribaux, de frotter sa voix et celle du violoncelle à l’évanescence inquiétante des ondes Martenot de Nadia et
aux samplers hypnotiques de Cécile, réveillait en Thierry l'enthousiasme d'un aventurier.
Ils veulent être sauvages, bruyants, orchestraux, dépouillés, intimistes, rigoureux, improvisateurs libres aussi parfois, utilisant tous les moyens techniques à leur disposition comme le sampling et looping en temps réel.
Sleep no more |! Le trio adresse cette injonction à l'auditeur qui se hasarde dans ces compositions sensibles et âpres. Pincée, percussive, immatérielle, allusive, vocalique
la musique impose sa loi. Une combinaison qui donne naissance à ce qui, en nous, résonne le plus fort, l'écho primitif, le son originel.

Pourquoi chercher si profond les basses régulières et leur faire correspondre des harmoniques fugaces ? Pourquoi creuser au plus loin les résonnances du corps humain ?
Simplement pour révéler : « Ne t’endors pas, je ne sais pas tout ».
Le paradoxe d’Aria Primitiva est en mouvement.

Work in Progress sort en 2018, c'est un EP 3 titres au format digipack, qui offre une
musique un peu différente car toutes les parties instrumentales définitives n'étaient
pas encore enregistrées ni mixées. ll s'agissait là d'un travail déjà bien avancé mais incomplet. Cet EP faisait office de carte de visite. On y trouve “"Maïiïdaykali" (5:56),
"Aria Primitiva" (14:49) et "Sleep No More » (3:42).

On retrouve donc ces trois titres en versions définitives (plus ou moins différents également en temps) dans l'album complet Sleep No More qui sort fin 2018 et représente l'album que le trio voulait sortir. Sur 53’35 et 9 titres, le trio développe un certain atypisme non conventionnel. Par son approche souvent Zeuhl ("Sleep No More” ou "Maïidaykali"), on jurerait souvent écouter les éructations vocales de Christian Vander dans Magma ! Mais la musique ne saurait se résumer à une copie servile, füt-ce t'elle d'un maître (on y trouve aussi du King Crimson, par exemple,sur "Nixen" (5:10), qui commence en duo piano et - ce que l’on croirait être une guitare- Frippienne — sauf qu'il n'y a PAS de guitare !). Elle est bien plus originale que cela : on y retrouve cette obsession du son (saluons le mastering absolument magnifique), des ambiances tour à tour
sombres ou magiques, cette urgence absolue, ces chants hallucinés, ces sons étranges (vinyles qui grattent, corbeaux !), ces percussions primitives... La pièce maitresse du disque est constituée des 13’57 du morceau titre : un festival de tout ce qui fait la saveur de la formation : oreilles non
averties s'abstenir, musique très exigeante ! Je note avec plaisir l'humour toujours présent
de l'artiste avec le titre "Mais ouvrez donc cette porte !”" (rempli de grincements d'huis
divers, évidemment !).

Deux courts titres ("HystamackK" (3:46) et « Kletka” (3:33)) ont été enregistrés live à Salzburg en
novembre 2018 et sont des improvisations collectives très ambiantes. "Helden" (5:26)
est en fait la reprise du fameux titre « Heroes" de Brian Eno et David Bowie dans sa version allemande, comme la chantait Andrea Schroeder ou Apocalyptica.

Signalons pour finir le joli design des digipacks signé Thierry Moreau. Existe au
format digipack et LP (dans une version plus courte avec 5 morceaux dans un ordre
différent (face À et face B obligent...) et sur toutes les plateformes numériques (iTunes-
Amazon-Spotify-deezer-YouTube Music et
j'en passe !) 

INROCK.RU
par ЕЛЕНА САВИЦКАЯ 06/2019

Aria Primitiva “Sleep No More” (2019)
Traduction : Google Translate

Aria Primitiva est un nouveau projet du gourou de l'avantrock Thierry Zaboitzeff (ex Art Zoyd). L'idée musicale du projet, selon le maestro, est la synthèse de rythmes primitifs avec les derniers sons et éléments du rock d'avant-garde. Ce n'est pas un hasard si de terrifiants masques africains sont représentés sur la pochette du disque ! Même les visages des musiciens sur la photo sont mis en valeur comme s'ils portaient de la peinture de guerre. Mais en fait, il n'y a pas beaucoup d'ethnicité à Aria Primitiva. La musique est proche des œuvres en solo de feu Art Zoyd et Zaboitzeff, dans lesquelles il gravite vers une combinaison paradoxale de genres classiques avec un contenu d'avant-garde (Missa Furiosa, etc.). C'est plutôt une symphonie industrielle de la jungle de pierre moderne, dans laquelle une personne survit et essaie même de ne pas devenir folle.

Dans Aria Primitiva, Thierry Zaboitzeff (basse, violoncelle électrique, chant, programmation) est entouré de deux belles filles - Nadia Radsimandresy et Cécile ThévenoT. Les deux jouent des claviers, mais si Cécile possède ces synthétiseurs "ordinaires", alors l'instrument de Nadine doit être spécialement mentionné. Ce sont des ondes Martenot (ondes Martenot) - une invention du musicien et ingénieur radio français Maurice Martenot (1928), dans laquelle le son généré par les circuits électriques peut changer la hauteur et le volume à la fois à l'aide d'un clavier et de boutons conventionnels, et d'une manière complètement farfelue - à l'aide d'un anneau spécial. En le mettant sur le doigt de votre main droite et en le portant sur le clavier, vous pouvez obtenir un glissando « chantant » et toutes sortes de sons cosmiques ; mais vous pouvez créer des tons vibrants d'une certaine hauteur. Les ondes Martenot sont similaires au thérémine plus connu (invention du physicien russe Lev Theremin), mais de structure plus compliquée. Nadia Radsimandresy est diplômée du Conservatoire de Paris, elle-même professeure au Conservatoire de Boulogne, où elle enseigne à jouer des ondes Martenot et des synthétiseurs plus simples. Elle-même est une interprète et compositrice très populaire. Ses liens avec Art Zoyd sont assez anciens - Nadia a participé à l'enregistrement des albums de Bezaboytsev des années 2000, ainsi qu'à l'association d'époque d'Art Zoyd au festival Rock in Opposition en 2015.

Grâce à un instrument inhabituel et rare, "Aria of Primitive" sonne assez particulier, même si, peut-être, vous n'entendrez pas immédiatement la "voix des vagues". Dans la première composition "Endayi Endesi", il est éclipsé par une basse puissante jouant à l'unisson (mais quelques octaves plus bas) et un rythme palpitant alarmant. Mais au début de "Hystamack", c'est clairement visible - ces glissandos planant vers le ciel sonnent comme des signaux d'échange radio avec des civilisations extraterrestres. Et le duo avec le piano électrique dans Nixen (puis le violoncelle le rejoint) est tout simplement incroyablement fragile et beau.

Quant à la « primitivité » et au chamanisme, ils guettent à chaque pas. Soit quelqu'un rigolera de façon inquiétante, puis les chiens (échantillonnés) aboieront, puis il semble que même un canard grognera, puis Thierry décrira un chant de gorge. Dans "Maidaykali", vous pouvez d'abord entendre quelque chose de français subtil, comme si un accordéon jouait dans la fête foraine. Mais alors, des rythmes industriels ont fait irruption et la voix étouffée de Zaboitzeff dit avec insistance quelque chose sur l'apocalypse à venir, bien que dans un langage incompréhensible. Le hit principal de l'album est "Sleep No More", qui s'ouvre sur un sample avec les cris d'une tribu primitive - une composition rythmique et même quelque part mélodique avec la voix "split" de Zaboitzeff (et, comme il le prétend, il n'utilise aucun traitement !) quelque chose qui rappelle l'impérissable "Baboon's Blood" d'Art Zoyd. Piste centrale - "Aria Primitiva" de 12 minutes, une symphonie électronique avec une basse de taille étrange, des syncopes de piano et des "trompettes" grotesques. De temps en temps, le développement est cependant interrompu par des accords de cloche "suspendus", le tintement et le grincement des cordes, des clics numériques, le bourdonnement des générateurs électriques et d'autres sons qui ouvrent le cerveau. Et quelques fois de plus, il y a un thème chromatique aigu, qui rappelle beaucoup le monogramme sonore de DSCH - Dmitry Shostakovich. Ce n'est pas pour rien que Thierry Zayboitzeff a des liens avec notre pays ! Et ce n'est pas un hasard, je pense, si l'une des compositions improvisées s'appelle "Kletka" (de telles associations apparaissent...). Dans la dernière composition "Mais Ouvrez Donc Cette Porte!" (comme, d'ailleurs, dans beaucoup d'autres), des échos de Stravinsky se font entendre. Seul le tube rock "Helden" (reprise de la chanson de Brian Eno et David Bowie de l'album "Heroes"), que Thierry Zaboitzeff de manière très expressive, dans son esprit sombre, chante en allemand (dans l'original la chanson est bilingue) , comme légèrement hors de cette série... Mais pour les rappels, c'est juste - c'est ainsi que cela sonnait lors du concert Aria Primitiva à Salzbourg en novembre 2018. Oui, le plus étonnant est que tout ce matériel est non seulement parfaitement enregistré en studio, mais aussi joué en direct - bien sûr, avec des "pads", mais en même temps en temps réel. Il y aura une opportunité - trouvez un concert sur YouTube et profitez du spectacle.
InRock # 88

PROG CENSOR (B/F)
par Auguste 07/06/2019

Aria Primitiva
Sleep No More

electro-symphonic/art-rock – 53’31 – France ’19

On attendait ce premier album avec une avidité grandissante, excités par la toute première prestation publique du nouveau projet de l’ex-Art Zoyd devant l’audience médusée du festival Les Intemporelles. Le trio est atypique: violoncelle électrique, basse, samplers et voix (Thierry Zaboitzeff), claviers et samplers (Cécile Thevenot), ondes Martenot et clavier (Nadia Ratsimandresy). Le trio est choc: des cultures (classique, rock), des styles (avant-garde, expérimental), des sonorités (électronique, tribale), des écritures (précise, improvisée). Le trio est énergie: hypnotique, inquiétante, puissante. Il amalgame deux générations, qui ont en commun le goût de l’aventure sonore et quelque chose à dire au bout de leurs doigts. L’album intègre les trois éclatants titres annonciateurs de l'EP «Work in Progress», remixés au coup de poing un brin plus acéré - «Maïdaykali» y gagne d’ailleurs une minute. «Endayi Endesi» donne le ton d’entrée de jeu: étrangeté aérienne des ondes Martenot, claques brutales de la basse, rythmes motoriques et claniques de la non-batterie, voix de gorge ou de catacombes, additifs concrets (rire, aboiement). Improvisés et live, «Hystamack» et «Kletka» élargissent l’espace nécessaire à l’album pour s’épanouir encore un peu plus, quand «Nixen» renouvelle l’oxygène pour la déclamation d’amour aux héros de Bowie («Helden»). Variation parmi les variations («… pour une porte et un soupir»?), «Mais ouvrez donc cette porte!» referme d’une époustouflante manière celle d’un album insolite et fertile.

Auguste

CITIZEN JAZZ (F)
par Denis Desassis 19/06/2019

ARIA PRIMITIVA - SLEEP NO MORE
Thierry Zaboïtzeff (elb, cello, voc, elec), Nadia Ratsimandresy (kb, ondes Martenot), Cécile Thévenot (kb, elec).
Label / Distribution : WTPL Music

Ceci n’est pas une chronique. Plutôt une manière de déclaration d’amour envers un musicien sur la brèche depuis tant d’années qu’il semble grand temps d’en souligner ici en quelques lignes la personnalité exceptionnelle et l’engagement dans un processus créatif qui n’appartient qu’à lui. Et qu’on n’est pas obligé de raccorder au cercle du jazz, si tant est qu’une telle classification ait du sens lorsqu’il s’agit de rendre compte d’un univers qu’on ne saurait assimiler à aucun autre.

Thierry Zaboïtzeff, bassiste, violoncelliste, compositeur, chanteur, inventeur et bien d’autres qualificatifs. Tel est le nom de ce musicien explorateur.
Les plus anciens d’entre nous ne peuvent avoir oublié le groupe Art Zoyd, fondé à la fin des années 60 avec son compagnon de route, le regretté Gérard Hourbette, disparu il y a peu. Les beautés de cette formation hâtivement rangée dans la catégorie « rock progressif » étaient sombres, convulsives, comme peuvent le laisser deviner certains titres de ses albums : Symphonie pour le jour où brûleront les cités, Génération sans futur, Le Mariage du ciel et de l’enfer ou bien encore Les Espaces inquiets. Certains voulaient rapprocher le groupe de la sphère Magma, à tort selon nous. Art Zoyd créait certes une autre musique de la traversée des grands espaces, mais de nature et d’origine bien différentes, entre ombre et lumière, d’où pouvaient surgir des voix venues des profondeurs, s’exprimant parfois dans un langage venu d’ailleurs. Celle de Thierry Zaboïtzeff justement. Art Zoyd n’envisageait pas la possibilité d’un autre monde : il avait assez à faire avec le constat trop souvent désespérant de l’état du nôtre.

Les chemins des deux musiciens se sont séparés à la fin des années 90, Gérard Hourbette poursuivant l’aventure Art Zoyd dans un registre plus électronique, et donnant vie aussi à son propre studio de création musicale à Valenciennes, où pourront travailler de nombreux compositeurs adeptes de la recherche musicale, sans oublier chez lui un important travail de nature pédagogique. Jusqu’à sa mort en mai 2018. Mais Art Zoyd, devenu centre de création musicale, continue de vivre grâce à Monique Hourbette-Vialadieu, son épouse et veuve.

De son côté, Thierry Zaboïtzeff s’est avéré hyperactif. On le retrouvera impliqué dans différents projets avec des metteurs en scène ou des chorégraphes. Il formera le groupe Zaboïtzeff & Crew, s’illustrant notamment avec une Missa Furiosa unissant techno et chant lyrique ainsi qu’avec un hommage à Jules Verne, Voyage au centre de la Terre. Concerts solo, danse, cinéma, théâtre et au total une petite vingtaine d’albums au cours de la période 1997-2016. De quoi satisfaire bien des appétits en manque de l’énergie si particulière des premières années d’Art Zoyd.

Et voici que paraît un trio, Aria Primitiva, et son disque Sleep No More dont on avait pu découvrir les couleurs tourmentées l’an passé à l’occasion de la sortie d’un EP composé de trois titres qu’on retrouve sur l’album. Aria Primitiva, c’est un autre projet indéfinissable aux confins de la musique électronique, de la musique contemporaine et du rock symphonique ; un autre nouveau monde, qui semble ne jamais connaître l’espoir d’un apaisement. La pulsion typique du bassiste est toujours là, comme un cœur arythmique en plein effort. Une voix caverneuse rugit dans la pénombre, elle semble venue d’outre-tombe, on la reconnaît entre mille à défaut de comprendre le sens de ses mots. Les explorations sonores parsemées de zébrures électriques des cordes et d’effets électroniques restent au centre des passions du bassiste, toujours aussi prompt à scruter les moindres recoins de sa caverne musicale et de toute sa part d’inconnu. Avec lui, deux musiciennes aux commandes de leurs claviers hypnotiques, Nadia Ratsimandresy et Cécile Thévenot, dont la présence solaire est le contrepoint de celle, très terrienne, du leader. Les Ondes Martenot de la première font merveille, qui éclairent de leur sonorité mutine et évanescente les ombres de la basse et la convulsion sous-jacente des compositions. Sleep No More est de ces disques qu’on écoute en retenant son souffle.

Cerise sur le gâteau de cette réussite, la chanson « Helden », soit la reprise en allemand du « Heroes » de David Bowie. Elle s’affirme d’emblée comme l’une des adaptations les plus intrigantes de ce succès planétaire et ce faisant, se révèle en adéquation parfaite avec l’esthétique sonore imprimée par le Thin White Duke et la guitare envoûtée de Robert Fripp. Ajoutée à la composition titre « Sleep No More », Aria Primitiva tient là deux hits ténébreux en puissance. Mais dans un autre monde que le nôtre, sans doute, qui laisserait sa chance au mystère.

Thierry Zaboïtzeff , parfaitement épaulé, semble vouloir nous dire qu’il est là, et bien là.
Sleep No More le prouve, c’est une évidence.

REVUE & CORRIGEE (F)
par Pierre Durr  21/06/2019

ARIA PRIMITIVA
Sleep no More

MONSTRE SONORE/WTLP MUSIC BTZAPO01 - 2019

Formé il y a près de deux ans, sur les routes européennes depuis le printemps 2018,
Aria Primitiva édite enfin son premier opus, Sleep no More*.
Aria Primitiva, c’est le nouveau projet de Thierry Zaboitzeff, qui jusqu’au milieu des an-
nées 90 partageait avec Gérard Hourbette l’aventure d'Art Zoyd (en témoigne la reprise 
de « Sleep No More », une de ses compositions extraite de la courte suite « Vorgänge »,
figurant sur l’album Nosferatu). À ses côtés, lui-même assurant la basse, le violoncelle,
les vocaux et l’échantillonnage, opèrent Nadia Ratsimandresy (ondes Martenot, claviers)
qu'on a pu entendre elle aussi dans quelques récentes formules d’Art Zoyd, et surtout 
dans ses interprétations de Messiaen et de Tristan Murail** ; et Cécile Thévenot (claviers, échantillonnages), laquelle a occasionnellement remplacé Patricia Dallio au sein d’Art
Zoyd. La musique d’Aria Primitiva s’inscrit bien naturellement dans cette filiation (ce qui est renforcé par le choix pour la pochette de Thierry Moreau, designer pour Univers Zéro, Shub-Niggurath, Eskaton). Elle en a la dimension sombre, parfois tellurique voire sépulcrale, incan-
descente et tourmentée, aux vocaux presque zeuhliens. Et pourtant, l’effet trouble de l’apport
des ondes Martenot y ajoute un côté aérien. Contraste apaisant ou simple répit, avant de plonger dans les ténèbres ? Enfin, avec « Helden », Aria Primitiva agrège à son style un aspect de la trilogie berlinoise de David Bowie.

* Si l’on excepte l’EP Work in Progress, carte de visite sonore de trois pièces non définitives.

** Nadia Ratsimandresy & Matteo Ramon Arevalos, Messiaen et autour de Messiaen,
ReR Megacorp, 2009 ; avec L'Ensemble Volta, Les Nuages de Magellan, Works by Tristan Murail, Megacorp, 2014.

PIERRE DURR

RYTHMES CROISES (F)
par Stéphane Fougère 18/07/2019

ARIA PRIMITIVA – Sleep no more
(Monstre Sonore / WTPL Music)

Cet album, on l’attendait de pied ferme, avec trépidation, depuis qu’il s’était fait annoncé par le EP Work in Progress, publié en 2017, et une poignée de concerts en Belgique, France et Autriche en 2018. On ne va pas vous relater les origines du groupe, ni les conditions de sa formation, cela vous a déjà été conté dans notre chronique dudit EP. Chacun est donc censé savoir où il est et de quoi il retourne. Mais si vous avez raté l’épisode précédent, sachez pour faire court que derrière ARIA PRIMITIVA se trouve le compositeur et multi-instrumentiste Thierry ZABOITZEFF, qui fut l’une des chevilles ouvrières du groupe ART ZOYD, aux côtés du regretté Gérard HOURBETTE, avant de se consacrer à plusieurs projets personnels (danse, théâtre, cinéma, multimédia…). Je vois des paupières qui se lèvent, il était temps ! Maintenant que vous les avez levées, sachez que vous aurez toutes les peines du monde à les baisser. Car on n’est pas ici pour dormir, ni pour faire somnoler. L’ADN même de la musique d’ARIA PRIMITIVA l’en empêche.

Sleep no more : Ne dormez plus. L’injonction vient de loin et résonne fort. Intégrée au spectacle Vorgänge, dont ART ZOYD avait composé la musique en 1987, elle revient aujourd’hui comme un écho retentissant, et ARIA PRIMITIVA en a fait le titre de son premier album. Sleep no more, comme pour dire qu’après tout ce temps, la nécessité de rester éveillé en esprit est plus que jamais primordiale, vitale. Et manière pour Thierry ZABOITZEFF, en retour d’écho, de suggérer que la musique de son nouveau trio trouve son germe dans celle du groupe qu’il l’a fait connaître. ARIA PRIMITIVA n’est pas un hommage, ni une copie, c’est une extension, une floraison inédite qui certes fait écho à l’univers artzoydien, mais qui possède son âme sonore propre, transfigurée par une lutherie à la fois classique et avant-gardiste.

Basse, violoncelle, et voix de Thierry ZABOITZEFF en constitue les éléments tangibles, palpables, électrisants, convulsifs, tandis que les claviers et Ondes Martenot de Nadia RATSIMANDRESY, les claviers et échantillonneur de Cécile THÉVENOT et les programmations rythmiques du Dr. ZAB incarnent (si l’on peut dire…) cette composante virtuelle, fantomatique, immatérielle, irradiante et hypnotique. ARIA PRIMITIVA combine l’abrasivité de l’énergie rock, la sinuosité structurelle d’une certaine musique classique contemporaine avec l’empreinte spectrale de sons urbains et industriels, de pulsions tribales, et même de cris animaliers, chiens et corbeaux à l’affût.

Antique et futuriste, cette “mélodie primitive” fait montre d’une sauvagerie complexe, exprimant une sensibilité primale au sein d’une symphonie apocalyptique qui se meut entre ciel et outre-terre pour secouer un présent qui se refuserait à naître. ARIA PRIMITIVA est le théâtre du mouvement émotionnel perpétuel, ne restant jamais trop longtemps au même endroit et traçant sa route par moult détours, rebonds, chausse-trappes, comme pour mieux intimer aux consciences qui écoutent qu’elles ne doivent pas sacrifier un iota de leur capacité d’attention.

De fait, la musique d’ARIA PRIMITIVA révèle un univers étendu sur plusieurs formats : des compositions épiques ou semi-épiques, des “chansons”, des pièces instrumentales et des improvisations. Si vous vous attendiez à du tout-venant au kilomètre, c’est loupé : on verse ici dans le pluri-dimensionnel !

L’inaugural Endeyi Endesi appâte sans difficulté avec son introduction atonale, ses accords de piano martiaux, sa mélodie frissonnante aux Ondes Martenot, qui colorent en sombre le tapis anguleux qui mène à la pièce du fond, où se fait entendre la voix messianique du ZAB, qui semble dire : « Bienvenue dans le monde tourmenté mais palpitant d’ARIA PRIMITIVA ! » L’accrocheur Sleep no more se rappelle à notre bon souvenir, conservant la mouture qu’on lui connaissait sur le EP (plus compacte que celle d’ART ZOYD), mais bénéficiant d’un mixage un poil plus punchy. Virage à 180° avec Hystamack, une improvisation captée live qui projette dans un vortex faussement soyeux, empreint aux mini-secousses déstabilisantes de plus en plus insistantes, avec dans son dernier tiers cette simili-guitare frippienne qui entonne une complainte rugueuse.

Autre pièce révélée par le Work in Progress, Maïdaykali a également gagné une minute supplémentaire (pour aboutir à sept minutes), du fait du prolongement de son introduction aérienne, qui accentue d’autant plus le contraste avec son développement, en mode cyber-métallique qui ne prend pas de prisonniers !

Déjà dévoilée aussi dans le EP, Aria Primitiva, du haut de ses quatorze minutes, élabore un cinéma pour l’oreille qui tient en haleine de bout en bout. Même rendue un tantinet plus compacte que sur le EP, elle ne perd aucunement son statut de pièce de résistance, et devient aussi le centre névralgique de l’album. Nixen offre un bienvenu moment de pause ambient aux reflux mélancoliques dans sa première moitié, avant que la seconde ne révèle une faune sonore (violoncelle, piano, effets sonores divers…) prête à partir en chasse.

Un bruit de bottes pesantes se fait alors entendre, une mélodie enjôleuse aux Ondes Martenot et violoncelle se pose là, bientôt enrobée de voix spectrales : un chant en allemand se soulève avec solennité, soutenue par une mélodie qui revient de loin… Vous ne rêvez pas, c’est bien Helden, soit la version germanique de « Heroes » de Brian ENO et David BOWIE, prodigieusement métamorphosée en un lugubre et troublant mirage au sein duquel on croit même ré-éentendre le fameux son de guitare de Robert FRIPP ! Le démarquage avec l’original est radical, mais le frisson est garanti.

Kletka, l’autre improvisation live, nous plonge dans des eaux saumâtres, avec piano préparé, cordes tendues, halo assombrissant… Si l’auditeur est arrivé à peu près indemne jusqu’ici, nul doute qu’il souhaitera à ce stade trouver la porte de sortie. Elle lui sera offerte avec Mais ouvrez donc cette porte !, titre conclusif à la structure plus souple mais à l’atmosphère flippante.

On n’ouvre pas les portes impunément, et chacun sait que l’on ne peut regarder des deux côtés à la fois pour découvrir ce qu’il y a derrière… Mais que cela ne vous dissuade pas de pénétrer dans cette zone d’inconfort que vous a aimablement et minutieusement concocté ARIA PRIMITIVA, bien au contraire ! Sleep No More a tout de l’épreuve cathartique ; cet album farouche et sophistiqué fait fonction de canal de communication souterrain avec les parts d’ombre du subconscient, et les paysages effarés qu’il dévoile devrait titiller les friands de mystères escarpés. Et si vous en faisiez votre disque de chevet ?

Stéphane Fougère

PS : Cet album est également disponible en version LP, lequel ne contient que cinq morceaux, soit les cinq compositions majeures, présentées dans un ordre différent). Les pièces improvisées et la reprise de Helden en sont exclues, mais les amateurs de support vinyle ont le droit de se le procurer, ne serait-ce que pour profiter en grand format de la fort belle pochette réalisée par Thierry MOREAU.

METAL.DE (D)
par Michael Klaas 20/07/2019

Aria Primitiva - Sleep No More

Aria Primitiva - Sleep No More Einen finsteren Klumpen lässt Thierry Zaboitzeff mit seinem Projekt ARIA PRIMITIVA da auf uns zu rollen. Einst eine der beiden Schlüsselfiguren der Kammer-Rock-Band ART ZOYD gewesen, treibt es ihn nun mit dieser Formation und dem vorliegenden Full-Length-Album „Sleep No More“ auf nicht minder avantgardistische, dafür weniger kammerorchestralische und umso elektronischere, geradezu industrielle Pfade, die denen von KAUKOLAMPI nicht unähnlich sind. Wobei der hiesige Stoff weniger krautig geraten ist. Der Sound von „Sleep No More“ hat wie angedeutet keinen kammermusikalischen Charakter inne, zumal hier kein größeres Ensemble am Werke ist. Die Songs sind aber dennoch von klassischer Musik und ein Stück weit auch vom Rock beeinflusst, wobei im Vordergrund natürlich Synthesizer und zum Teil sehr angriffslustige Beats stehen. Aber im Grunde treffen sämtliche Genre-Bezeichnungen für „Sleep No More“ ohnehin nur bedingt zu, da in den Songs teilweise einfach zu viel abgeht. In weniger erfahrenen Händen wäre das Songmaterial zu einem furchtbaren Stil-Durcheinander verkommen. Die verdrehte Welt von ARIA PRIMITIVA Zaboitzeff hat sich für das Projekt mit Nadia Ratsimandresy und Cécile Thévenot zusammen getan, die ihrerseits ebenfalls wie Zaboitzeff (teilweise auch nur aushilfsweise) bei ART ZOYD aktiv gewesen sind. Und wer mit deren Musik jemals in Kontakt gekommen ist, zum Beispiel durch deren avantgardistische Soundtrack-Neuinterpretationen von Stummfilmklassikern wie „Nosferatu“, dürfte eine ungefähre Ahnung haben von dem, was ihn auf „Sleep No More“ erwartet. Immerhin gibt es den Titelsong des hier vorliegenden Albums auf „Nosferatu“ in einer seiner früheren Fassungen zu hören. Und in der Tat: „Sleep No More“ wird seinem Titel gerecht. Denn was das Trio hier aufs Parkett zaubert, klingt in seinen intensivsten Momenten wie ein verdrehter Fiebertraum von Trent Reznor. „Endayi Endesi“ eröffnet das Album noch vergleichsweise ruhig mit sachter Industrial-Perkussion, lässt dank ominöser Melodien und gewichtigen, geradezu dramatischen Klavier-Schlägen dennoch Übles erahnen. Dank seiner klassischen Schlagseite ziehen sich ansprechende Melodien durch den Song hindurch, der sich dann zum Ende hin aufbaut und nicht direkt in ein explosives, aber dennoch in ein vergleichsweise bombastisches Finale mündet. „Sleep No More“ macht seinem Namen Ehre „Maïdaykali“ gaukelt dem Hörer ein wenig erholsame Idylle vor, ehe sich der Song in einen aggressiven, schweren Industrial-Stampfer verwandelt. Hier setzt auch der etwas skurrile Gesang von Zaboitzeff ein, der sich jedoch seltsamerweise gut ins Klangbild einfügt. Die rauen Vocals erinnern irgendwie entfernt an Cornelius Jakhelln (SOLEFALD). Dagegen scheint das rhythmische Korsett des dreizehnminütigen Kernstückes „Aria Primitiva“ ein wenig von den „Ghosts“-Songs der NINE INCH NAILS inspiriert zu sein, während scharfkantige Streicher und Synthesizer zum Teil dissonant auf den Hörer ein plärren. In der zweiten Hälfte zieht das Trio die atmosphärische Schraube dann deutlich fester mit einer Intensität, die reif für das Horrorkino ist. „Nixen“ verspricht in der ersten Hälfte dagegen tatsächlich etwas Erholung, auch wenn Klavier und Beats in der zweiten Hälfte des Songs doch düstere Nadelstiche setzen, um die Atmosphäre wieder in verstörende Sphären hinein zu treiben. In Sachen Skurrilität sticht „Helden“ den Rest der Tracks locker aus, bei dem es sich doch tatsächlich um ein durch den Industrial-Wolf gedrehtes, deutschsprachiges Cover des David Bowie-Songs „Heroes“ handelt. Und trotz starkem Akzent bringt Zaboitzeff die ikonischen Zeilen ganz gut rüber. Mit „Hystamack“ und „Kletka“ lassen ARIA PRIMITIVA noch ihre improvisatorischen Muskeln spielen. Das klingt erst einmal unspektakulärer, als es ist, denn hier treibt die Band die Atmosphäre durch den Ambient-lastigen, gar formlos und ungreifbar anmutenden Sound in geradezu unerträgliche Höhen. Geisterhaft langgezogene Synths, ein Klavier, das mal schneidend und mal hämmernd attackiert, sowie ein subtiler Drone fräsen sich zielsicher in die Magengrube hinein und wühlen diese auf. Da ist man fast froh, dass der Titeltrack so eingängig und melodisch ausgefallen ist. Ein Stimmungsvolles Highlight Erfreulich ist in jedem Falle der konsistent klare Sound, der das gesamte Album souverän trägt und hervorragend hörbar macht. In seinen ruhigeren Momenten zeigt die Produktion die nötige Transparenz, um nahezu jedes noch so kleine Detail im Klangbild differenzieren zu können. Unterdessen wird den aggressiveren Passagen eine Menge Druck und Durschlagskraft verliehen, sodass sich das Album seine Dynamik auch an der Oberfläche bewahrt. Das führt dazu, dass die Songs trotz ihrer Fokussierung auf Stimmung extrem gut hörbar bleiben. Im Gesamten haben ARIA PRIMITIVA also ein unglaublich dichtes, düsteres und doch abwechslungsreiches Werk geschaffen, das nur schwer zu kategorisieren, aber dennoch erstaunlich leicht zu hören ist. Zwar sind einige Songs bereits auf der vorangegangenen EP „Work In Progress“ erschienen (und wie bereits erwähnt ist auch der Titeltrack etwas älter). Dennoch fügt sich das alles auf „Sleep No More“ zu einer Einheit zusammen, die allein durch fließende Übergänge zwischen den Tracks noch intensiver geworden wäre. Aber macht euch nichts vor: „Sleep No More“ wird euch dennoch gekonnt den Schlaf rauben...

Michael Klaas

ROCK PROGRESIVO.COM
par Rafa Dorado 30/07/2019

Aria Primitiva - 'Sleep No More' (2019)
(Primera edición 28 septiembre 2018, Monstre Sonore/WTPL Music)

Aria Primitiva - Sleep No More
Hace un año Thierry Zaboitzeff (cello, bajo, voces y programación) ya nos había avisado de este evento con el adelanto de un mini CD en el que se incluían, con diferentes mezclas, 3 temas de este material. El resultado sabía a poco y te dejaba con ganas de más lo que, obviamente, era su objetivo.

Tras la espera, ahora que ya podemos disfrutar de la obra completa, nos encontramos al miembro fundador, junto al malogrado Gerard Hourbette, de la mítica banda de rock de cámara Art Zoyd, en el centro de un trío que completan Nadia Ratsimandresy a los teclados y ondas Martenot y Cécile Thévenot a los teclados y sampler.

La paleta de colores tonales, ya de por sí amplia en la obra de este compositor, se ve por tanto reforzada. La inclusión de ondas Martenot nos acerca por momentos a un concepto casi sci-fi años 50 que en algunos momentos encajaría perfectamente como banda sonora apócrifa de cualquier clásico del género; pero las composiciones, todas del francés afincado en Austria, a excepción de una versión del 'Heroes' ('Helden') de Eno y Bowie, nos dejan un trabajo de estilo puramente Zaboitzeff con sus querencias por un rock zeuhl electrónico y minimalista, muchas veces cercano a la obsesión y donde la sorpresa a niveles tanto armónicos como texturales te aguardan a la vuelta de cada microsurco. También hay sitio para el caos y la improvisación en 'Hystamack' y 'Kletka' que funcionan a modo de respiraderos entre la organización cartesiana que define la música de Zaboitzeff.

Curioso, cuando menos, que se recupera como título central una remezcla de 'Sleep No More', tema que que ya había aparecido cerrando el 'Nosferatu' (1990) de Art Zoyd a modo de bonus tracks junto a otros dos temas extraídos de 'Vorgänge', banda sonora para un ballet, y que en 2005, en otra remezcla completamente distinta y casi metalera, apareció en el Vol. 5 de 'Músicas desde el Abismo' del sello margen Records que acompañaba el número 24 de margen Magazine que incluía sendos dossiers sobre Art Zoyd y Thierry Zaboitzeff. La remezcla presentada aquí es más respetuosa con el original, incluso con arreglos muy melódicos de teclado que 'humanizan' la composición lejos de los arrebatos casi death metal de la versión de 2005.

Temas como 'Maïdaykali' nos devuelven, tras una intro reposada y ambiental, al Zaboitzeff más complejo e incluso hardcore. 'Endayi Endesi', que abre el disco, no reniega de las influencias zeuhl que le son tan familiares, pero su aspecto orquestal y las melodías de ondas Martenot lo escoran hacia un concepto más electrónico. El atmosférico y pianístico 'Nixen' funciona casi como interludio en su primera mitad para recuperar en su parte final la convulsión y tensión que son tan propias de su estilo.

Lo mejor, el extenso 'Aria Primitiva' de hechuras contemporáneas, arrebatos épicos y un nivel de sinergia del trío en su máximo esplendor.

Cierra 'Mais ouvrez donc cette porte!' con su típico toque expresionista y oscuro en primer plano, enriquecido por un concepto rítmico sincopado que nos devuelve los aromas del Faust de Art Zoyd.

No nos olvidamos de reseñar el magnífico trabajo gráfico del gran Thierry Moreau que anticipa y complementa el contenido musical.

Si conoces la obra de Art Zoyd y Thierry Zaboitzeff querrás tener esto, y si quieres iniciarte en su sonido 'Sleep No More' de Aria Primitiva no es un mal lugar para comenzar, pero ¡cuidado, crea adicción!

KOSMIK MUZIK (F)
par Jean Christophe Alluin 30/07/2019

La scène française se porte bien : 2 - Aria Primitiva Sleep No More

Un premier EP, première carte de visite, avait permis en 2017 de prendre contact avec la musique du groupe impulsé par Thierry Zaboitzeff. Le titre de ce premier album fait évidemment écho au Art Zoyd des années 80 mais il serait vain de chercher en Aria Primitiva un clone. Disons qu'on se situe dans un prolongement de certaines esthétiques mais avec une instrumentation forcément différente sans parler du temps qui s'est écoulé...

Au travers de multiples expériences, hélas peu relayées en France, Thierry Zaboitzeff livre ici un disque extrèmement travaillé, une oeuvre mature aux dédales surprenants qui happent l'auditeur aventureux. On ne se pose que rarement en ces paysages sonores parfois tourmentés, sombres ou plus calmes pour quelques brefs instants... L'instrumentation est dense et fournie avec de belles ouvertures sonores où les deux musiciennes, Nadia Ratsimandresy et Cécile Thévenot, sont particulièrement à leur aise. On l'aura compris, voici un disque particulièrement puissant dont on peut espérer qu'il permette à Thierry Zaboitzeff de toucher un public plus vaste ce qui ne serait que justice, compte tenu de son passionnant parcours...

Jean Chistophe Alluin 30/07/2019

Et cerise sur le gateau, notre ami Thierry Moreau, auteur du très beau visuel du groupe, a réalisé un long entretien avec le musicien dont vous pouvez lire ici l'intégralité, merci à lui !

Peux tu nous parler de tes premiers contacts avec la musique,
viens tu d’une famille de musiciens ?

Les premiers contacts, justement, dans la famille par mon grand-père maternel qui était entre-autre organiste à l’église de Fourmies (59). Tout gamin, j’adorais l’accompagner dans la tribune et me laisser prendre par ces sons d’orgue tourbillonnant, vibrants et magiques… Mais le véritable déclic se produisit à l’arrivée de la musique Rock, pas celle de gens comme Elvis Presley car j’étais trop jeune et de toute façon, je trouvais cela ringard, mais plûtot de tout ce qui a suivi un peu plus tard, les Stones, les Beatles, Kinks, Led-Zep, The Who… A cette époque, j’ai détesté l’école, l’autorité, la norme, alors les quelques cours de musique du jeudi, c’était encore l’école, l’autorité… J’ai zappé !
Mais le rock avait accroché mon oreille et très vite, j’ai voulu ressembler à ceux que j’adorais et je me suis essayé à la guitare tentant d’imiter ceux qui m’excitaient tellement… Avec quelques copains de classe ou de quartier, nous formions des groupes qui ne duraient jamais plus de dix jours.
Puis sont arrivés à mes oreilles Hendrix, Pink Floyd, Zappa… j’en passe et là, le choc fût terrible… Les esprits s’ouvraient à autre chose, en tous cas le mien… Je devais avoir 15 ans, ce fût le point de départ d’un long cheminement autodidacte durant lequel, je découvrais pas à pas ce qui était derrière ces Hendrix, Pink Floyd, Soft Machine, Zappa… Donc Varèse, Debussy, Stravinsky, Bartok, Berio … Des musiques anciennes, baroques, romantiques, post romantiques, je me souviens d’un temps où j’écoutais Mahler en boucle parce que sa musique me touchait et que je voulais savoir comment et de quoi elle était faite.

Comment es tu rentré dans Art Zoyd, quelle a été ta place au début puis après, les rapports avec les musiciens...
En 1970, je rencontrais, Gérard Hourbette, je gratouillais des guitares, lui, sortait du conservatoire et je ne sais plus précisément pourquoi, mais ça a tout de suite accroché entre nous malgré mon inexpérience instrumentale d’alors. Nous nous sommes très vitre retrouvés pour monter un duo qui deviendrait ensuite un trio : « Rêve 1 « là où nous vivions, à Maubeuge. La plupart du temps, nous improvisions sur des structures atmosphériques que nous décidions à l’avance. Gérard au violon électrifié, moi, à la guitare acoustique 12 cordes électrifiée également, le tout dans des effets de type chambre d’écho à bande, pédales de distortion, nous faisions, si je puis dire, feu de tout bois en utilisant tout élément pouvant servir de percussion en l’amplifiant très sommairement et triturant le tout dans ces chambres d’écho sans oublier les bandes magnétiques diffusées à l’envers et sur lesquelles nous intervenions ou pas ! (expérimental et improvisé !!!! Furieux, poétique) quelques semaines plus tard, un bassiste (Guy Judas) nous rejoignait.
Un jour, Gérard alla s’acheter des cordes de violon à Valenciennes là où se situait l’unique magasin de musique digne de ce nom, au plus proche de Maubeuge. Lorsqu’il entra dans la boutique, le crâne rasé affublé d’un manteau de fourrure, un étui de violon sous le bras, toutes les têtes chevelues, moustachues et à barbe se tournèrent vers lui, je n’étais pas présent à ce moment là mais la conversation et l’échange se firent quasi instantanément entre Gérard et Rocco Fernandez et autres membres de Art Zoyd… Le même jour Gérard rentrait de valenciennes en compagnie d’Art Zoyd dans leur bus, nous fîmes le boeuf dans la cave des parents de Gérard: Art Zoyd III était né. Dès les premières répétitions autour des compositions de Rocco, notre bassiste décidait de nous quitter et là Rocco m’encouragea à prendre la basse, ce que je fis non sans difficultés mais après une une ou deux semaines, je trouvais idéalement ma place et très vite en tant que bassiste je commençais à participer à certains arrangements, cela m’excitait beaucoup de partir de rien…
Nous fîmes énormément de concert en région mais aussi un peu partout en France en particulier dans les MJC mais aussi dans des bals et discothèques… Entre 1971 et 1975, il n’y avait pas trop d’autres alternatives pour se produire sur scène.
En 1975, Rocco décidait de lâcher l’affaire, lassé, fatigué de toutes ces tournées non-rentables, il nous remît à (Gérard et moi même) les clefs de la maison Art Zoyd.
Nous souhaitions profiter de l’occasion pour tenter d’aborder la composition sous un angle différent.
Nous étions souvent très irrités de devoir se mouvoir musicalement sans cesse entre les pulsations régulières et systématiques de batteries et percussions, c’est de cette réflexion et envie qu’est né cet Art Zoyd sans batterie. Du coup selon notre esthétique de l’époque nous pouvions donner des rôles très différents à notre instrumentarium ( 2 violons, trompette et basse électrique) tantôt les uns étaient percussions, les autres harmoniques, nous changions ainsi les rôles au gré de nos envies d’arrangement de nos compositions.
En ce qui me concerne j’ai vraiment commencé à composer à Partir de l’album Musique pour l’Odyssée. La pièce s’intitulait Bruit, silence, Bruit, Repos, tout un programme !!! Je vivais à Douai à ce moment là et il me fallait deux heures trente de transport pour rejoindre notre lieu de répétition qui se trouvait à Maubeuge et parfois encore sur Valenciennes et je profitais de ce long temps de transport pour préparer les arrangements que nous expérimenterions instruments en main durant la répétition. Etant complètement autodidacte, je devais durant mon voyage, trouver des astuces de mémorisation de notation, de fait j’avais tellement tout en tête que parfois je chantais les parties de trompette ou de violon et les musiciens se les notaient ensuite au propre…

Art Zoyd passait en première partie de Magma, le courant Rock in Opposition est arrivé, tu nous en parles…
1975-1976, nous tournions énormément dans le circuit des MJC initié alors par nos aînés (Gong-Magma et bien d’autres) Notre route s’est croisée avec celle de Michel Besset (déjà organisateur de concerts dans le sud-ouest de la France, notamment sur Albi et Carmaux : Association Transparence) Il est devenu notre manager, le producteur de notre premier album : « Symphonie pour le jour où brûleront les cités » et nous a fait tourner beaucoup dans sa région et c’est lui encore qui négocia avec Magma et notre précédent tourneur (Jean René Pouilly) pour nous, les premières parties des concerts de Magma en France durant cette période à la suite de ce mémorable gig au palais des sports de Toulouse organisé par Michel Grèzes et son association Tartempion.
(concert devant plus de deux-mille spectateurs). Ces premières parties, nous amenèrent également pour une dizaine de jours au Théâtre de la Renaissance à Paris, le succès fût total, le public s’arrachait nos vinyles à l’entracte, jusqu’à quarante exemplaires par soir. C’était la folie !
Surtout si l’on re-pense à notre line up de l’époque formule commando sans batteur ni claviers.
Violon: Gérard Hourbette
Trompette; Jean-Pierre Soarez
Guitare, violon, violoncelle : Franck Cardon remplacé par Alain Eckert : Violon et Guitare
Thierry Zaboitzeff : basse électriques et vocaux
Cela fît notre son, notre identité, notre marque de fabrique.

Prométhée est ton premier album solo, on sent déjà une orientation, des voies à exposer…
En fait Prométhée était à la base une musique destinée à une performance théâtrale par Le Collectif Théâtral du Hainaut de Valenciennes qui me commanda cette composition par son directeur Philippe Asselin. Ce fût la toute première fois depuis mes débuts dans la composition que je me suis senti complètement libre, pas tenu de composer pour tel ou tel ensemble d’Art Zoyd ou autre. J’avais décidé pour ce projet d’utiliser tous les instruments dont je pouvais jouer à l’époque: un bon vieux piano droit pas très bien accordé, le cello, la basse mais aussi la guitare électrique, un casiotone (sorte de synthé-jouet avec des sonorités typiques) et multiples accessoires comme des métronomes, petites percussions (castagnettes, tambour, triangle, boite à rythmes trafiquée) et les multiples pédales de distortion d’alors ainsi que les possibilités offertes par le montage sur bande magnétique…
Ici pas de concertant, pas de solis, rien à prouver sur une scène mais une volonté d’ambiant, de liberté, de manipuler mes instruments et mes textures entièrement « faites maison » Un processus de composition et d’arrangement complètement dépendant de ma volonté et de mes moyens techniques de l’époque.
La source littéraire, la base imposée de mon inspiration : « Prométhée enchaîné » d’Eschyle accompagné d’indications scénographiques.
Très vite, j’ai dû oublier toute cette histoire très compliquée afin de ne pas m’y perdre et je ne gardais que ceci en tête :
« Éther divin, vents à l'aile rapide, eaux des fleuves, sourire innombrable des vagues marines. Terre, mère des êtres, et toi, Soleil... je vous invoque ici » Et puis Zeus, Les Océanides, Io, Hephaitos…
J’étais marqué par cette image de Prométhée enchaîné et condamné pour avoir révélé les bienfaits du feu aux hommes…
En marge de cette musique de scène, je décidais d’en réaliser un album en remaniant, re-découpant, re-mixant, superposant d’un Revox à l’autre créant ainsi des décalages aléatoires ou volontaires…Mais surtout, au fil de mon travail j’ai toujours veillé à ne pas perdre ce côté très instable, errant mais hiératique que j’avais souhaité.

Quels ont été tes bassistes préférés?
Janick Top, Francis Moze, Tony Levin, Hugh Hopper pour ne citer que ceux qui m’ont directement impressionné.

Tu joues de la basse avec un médiator, pourquoi ce choix ?
Cela vient du fait qu’auparavant, je jouais de la guitare mais surtout, je maitrise mieux la précision pour les phrasés très rapides et complexes dans l’exécution rythmique, avec le temps, je me suis organisé de cette façon toute une palette de nuances et de timbres… Je recherche ce côté piqué…Parfois j’utilise les doigts pour obtenir des sons très sourds ou pour balancer quelques slaps, avec modération… Je dois ajouter que je suis avant tout compositeur et que je ne me prends pas pour un bassiste chevronné et exemplaire. j’utilise tout les instruments dont je peux jouer comme passeurs de ma musique.

Le violoncelle ? Tu y es venu comment ? Le violoncelle électrique ?
Lors de la conception de l’album « Musique pour l’odyssée », je trouvais que uniquement ma basse électrique, ça n’allait pas le faire, j’étais frustré, j’avais envie de corde frottée, J’achetais donc un violoncelle et toujours en autodidacte, je me mettais au travail avec l’aide précieuse de Gérard et de Franck qui me communiquèrent quelques rudiments et bon conseils… Le reste fût souffrance, persévérance ! Quant à l’électrification du violoncelle, elle fût toute naturelle car nous électrifions déjà les deux violons et la trompette.
L’apport de la lutherie informatique et électronique donnent des ouvertures nouvelles, des couleurs nouvelles, comment sont préparées ces interventions? Les Ondes Martenot ?
Dans les années 85-86 Chez Art Zoyd, j’utilisais déjà cette lutherie informatique et électronique. Les manipulations d’alors étaient très basiques et robotiques, c’était très frustrant sauf si vous vouliez ressembler à Kraftwerk, ce qui n’est pas une critique mais cela n’était pas ce que nous recherchions…
Mais revenons en 2019, Les technologies ont bien changé et vous pouvez aujourd’hui avoir dans votre ordinateur portable au sein d’un sampler virtuel tous les sons et les patches que vous avez préparé pour le concert pour ensuite les manipuler et les jouer en direct sur scène à partir de claviers, de pads, de capteurs via le MIDI.
Au sein de ses mêmes samplers, vous avez également accès à la synthèse si vous souhaitez y travailler et créer vos propres sons, autant dire un outil puissant, expressif, formidable.
Ceci apporte dans ma composition toutes les palettes sonores que je souhaite associer à une orchestration…
J’adore le fait de pouvoir par exemple sampler le souffle de ma voix et un accord de violoncelle ou de basse et remixer l’ensemble jusqu`à en faire un son nouveau et puis le triturer encore et encore à l’envi et lorsque cela me procure l’émotion recherchée, j’introduis ce ou ces sons dans ma composition…
Concernant l’onde Martenot, je n’avais jamais travaillé avec cet instrument, je ne l’avais même jamais côtoyé , simplement entendu dans des oeuvres de Messian, Milhaud, Henry pour ne citer que les plus connus et puis aussi dans certaines musiques de film…
C’est la rencontre avec Nadia Ratsimandresy pour ce projet de concert et d’album Aria Primitiva qui a été le déclencheur. Dès cet instant, j’ai commencé à me documenter, à rechercher. C’était un nouveau challenge ! Pour Aria Primitiva, je ne voulais pas écrire des pièces spécifiquement pour l’onde martenot mais l’intégrer à l’architecture sonore que j’avais en tête, entre Rock Metal-Jazz-musique du XXème-électronique-ambient-techno mais « Zaboitzeffienne » !!!
Pour les premières étapes de composition et d’orchestration, j’ai utilisé une Onde Martenot Virtuelle (samplée), histoire de me familiariser seul avec les timbres et les principales possibilités car les membres d’Aria Primitiva sont géographiquement très éloignés et je voulais être informé sur les sons et variations de l’onde avant nos sessions en trio.
Puis nous nous sommes enfin retrouvés instruments en main pour monter ce répertoire « Sleep No More » et là j’ai vraiment appris beaucoup en découvrant Nadia et son instrument, cela m’a permis de corriger certaines erreurs dans mon écriture mais également d’intégrer l’onde dans des atmosphères musicales inattendues ou à priori incompatibles. Chaque jour, avant de commencer à déchiffrer ou répéter, nous improvisions une vingtaine de minutes et là j’ai vraiment découvert l’onde et ses immenses possibilités.

Dans toute ta discographie, il y a des influences sous jacentes, on peut parler de Xenakis, de Nino Rota, de Jon Hassell, de Gorecki. Tes influences sont en filigranes, et on sent bien ta rigueur d’écriture, ces gens t’ont influencé ?
Chaque compositeur à souvent du mal à dire qu’il a été influencé par tel ou tel…
Me concernant, il y a des Artistes, des Compositeurs, des Oeuvres que j’ai admiré et qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui: Stravinsky, Bartok, Debussy, Ravel, Eno, Zappa, Hassel, Mahler, Miles Davis, King Crimson, Berio, Ligeti, Orff, Ives, Magma Epok I… Et beaucoup d’autres…
Ce mix vous paraîtra sûrement curieux mais c’est ainsi ! Effectivement, un peu Gorecky, Nino Rota mais pas Xenakis qui ne m’a jamais vraiment attiré.

Tu chantes parfois en latin "Missa Furiosa", je me souviens dans une vieille interview que tu parlais de ton grand père et des visites dans les églises, tu te « sers » du latin un peu comme un gimmick, un clin d’oeil..???
Le Chant en Latin, ce fût seulement dans la Missa Furiosa, là encore, un challenge: amener ma musique dans un cadre techno-pop, mêlant instruments acoustiques y compris une batterie, grooves élelectro, chanteurs lyriques et pour y chanter une Messe imaginaire avec même une citation bluesy du requiem de Mozart !!!
Ma préoccupation dans ce projet était d’être Bombastique-Churchy, à la limite de la caricature, mêlant grandes orgues, chant lyrique, puissance sonore pour une sorte de cérémonial, ce qui m’a toujours attiré car lorsque j’étais enfant, j’accompagnais souvent mon grand-père à la tribune car il était organiste et j’adorais être proche de ces sons parfois grandioses et me laisser empoter par ce visuel-rituel qu’était la grand-Messe avec l’encens, le Garde Suisse - Les debout-Assis, la Communion, etc.
Je trouvais que le latin allait fort bien avec ma musique et comme non-croyant, Je dois ajouter que si tout ceci était parfois caricatural, je n’ai jamais souhaité être critique ou blasphématoire, cela n’était pas le propos ici ! je me sentais plutôt dans une sorte de « rave dominicale… » (hi-hi)
Pour l’anecdote, un moine qui assistait au concert a même acheté l’album Missa Furiosa.

En faisant le point sur ta discographie, on sent que tu explores différentes facettes de ton univers, Aria Primitiva est un peu la quintessence de ton travail…?
Oui, dans chaque création nouvelle cela doit transparaître un peu, et cette fois, un peu plus. J’ai personnellement beaucoup de mal à regarder en arrière et donc Aria Primitiva est mon dernier projet en date et dans mon esprit, c’est le meilleur, là où j’ai mis tout mon savoir-faire, mon âme. Ce n’est que mon avis bien entendu !

Pourquoi le nom de Aria Primitiva ?
Bien que finalement il n’y ait pas beaucoup de parties chantées dans ce projet, je recherchais un nom qui fasse allusion au chant de manière globale, chant primitif, chant tribal quelque chose d’antérieur à une musique savante, élaborée mais y faisant tout de même référence… Aria Primitiva est finalement venu naturellement (Aria pour le côté classique-savant et donc Primitiva pour le côté primitif, tribal… Ce nom m’est venu très vite à l’esprit, nous l’avons adopté aussi vite !

Parle nous de Cécile Thévenot, Nadia Ratsimandresy, participent elles aux compositions ? La symbiose du trio est évidente...
Nadia et Cécile n’ont pas participé à la composition, mais je dois vous raconter un peu plus sur notre rencontre et la genèse de ce projet. Nadia , Cécile et moi même faisions partie du line up du concert anniversaire d’Art Zoyd au Phénix de Valenciennes en décembre 2017. Lors des répétitions est née entre-nous une sorte de complicité, d’attirance musicale, le soir, après cet ultime concert, Nadia et Cécile vinrent me demander si l’on ne pourrait pas envisager de travailler ensemble, je dois avouer que sur le coup, j’ai eu quelques réticences par rapport à un trio, pourquoi ?, Comment ? Quelle musique ? Dans l’euphorie du moment, j’ai dit : « Banco ! » je voulais relever ce nouveau défi. Quelques semaines se sont ensuite écoulées, semaines durant lesquelles, j’ai un peu fait le tour de mes envies que j’ai peu à peu communiqué à Nadia et Cécile qui étaient à l’écoute de ce que je proposais. Nous avions évoqué également la possibilité de constituer ce trio sur la base d’improvisations ce qui m’a fait un moment hésiter car l’improvisation n’est pas spécialement mon truc, en tous cas et je rêvais d’une écriture compacte serrée et j’ai donc commencé à écrire puis très vite je suis arrivé à une heure dix de compositions, que j’ai proposé pour le trio en prévoyant des plages d’improvisations libres au sein de morceaux très écrits.
Ce fût donc notre base de travail après approbation de Nadia et Cécile. Puis le temps passant j’ai eu l’impression que sans décision radicale au niveau notamment d’un calendrier nous serions toujours dans un processus d’attente, de réflexion, de recherche chacun dans notre coin et personnellement, je n’en avais ni le temps ni les moyens, nous sommes tous trois séparés par de grandes distances et rien n’est facile pour se retrouver et travailler.
Alors, j’ai pris sur moi la décision de terminer rapidement l’écriture. Il m’a fallu aussi vite trouver les lieux de répétitions pour notre première session de travail ainsi qu’une résidence, les premiers concerts puis un cadre technique et financier pour la réalisation de l’album. Ceci explique que Aria Primitiva est devenu de fait mon projet. Je dois dire que cette première session de répétitions et de rencontre véritable fût exemplaire. Chaque matin avant de nous lancer dans les orchestrations et mises en place, nous improvisions une vingtaine de minutes pour notre plus grand bonheur , histoire de nous rencontrer et nous découvrir. Et je dois encore remercier Nadia et Cécile pour leur grande complicité, aide, collaboration et professionnalisme. Et à ce titre pour moi, c’est aussi leur projet même si elles n’ont pas signé les compositions. J’avais auparavant pré-programmé les samplers et les empilages de sons que finalement nous nous avons re-répartis ensemble pour des raisons de jeu et de maniabilité des machines en condition de spectacle, laissant Nadia plus disponible pour les Ondes Martenot qui est l’une des originalités de ce projet.
Ce propos musical en trio et sa conception technique ne tiennent qu’à un fil, celui de la complicité-concentration et cela se sent immédiatement lorsque l’on nous regarde en concert. Je suis personnellement très touché de m’en rendre compte au fil des concerts.

Des concerts ? Les projets ?
Pause actuellement pour les concerts car nous avons tous trois d’autres engagements prévus de longue date à honorer mais des possibilités s’annoncent déjà, je ne peux en parler tant que rien n’est fixé définitivement.
Je travaille en ce moment à la composition pour un projet chorégraphique de Editta Braun Company : « Layaz » pièce pour une danseuse Hip-Hop. 
J’y utilise un peu les codes musicaux de ce style pour en réaliser une pièce toute personnelle, là aussi, un nouveau défi à relever !
La création aura lieu en octobre 2019.
Puis je ferai une longue pause car j’arrive à un moment de ma vie où beaucoup de choses deviennent compliquées et cela sera l’occasion de me ressourcer…

L’ Album Sleep No More bien accueilli ?
Au regard du courrier, des mails enthousiastes que nous lisons, des ventes sur mon site et d’autres retours (Label-Distributeur) je peux dire que cet album reçoit un excellent accueil. Attendons de voir comment la presse dans son ensemble réagira… Certains articles déjà sortis ici et là sont très positifs sur notre création.

Le courant R.I.O reste assez confidentiel du grand public, que penses tu de ce mouvement ?
Le RIO est un mouvement créé vers la fin des années 70 par Chris Cutler et son groupe Henry Cow qui avait enregistré ses premiers albums chez Virgin (GB) Le but du RIO était de de s’opposer en général à l’industrie musicale Rock en particulier, prouvant ainsi qu’il était possible de produire des concerts et des albums en toute indépendance artistique, politique… Ce que chaque groupe de ce mouvement tentait déjà de faire dans son coin, Henry Cow, Art Zoyd, Univers Zéro, Etron Fou Leloublan, Samla Mammas Manna, Stormy Six, Art Bears, Aksak Maboul ) Ensemble, en réseau nous serions plus fort ! C’est ainsi que nous avons participé (Art-Zoyd) à quelques festivals RIO (Milan, Stockholm…) ou concerts isolés labellisés RIO un peu partout en Europe, et produit et distribué en 1982 notre double album Phase IV via Recommended Record devenu le Label du RIO. Comme bassiste, j’ai joué avec Univers Zero (époque 1313- Hérésie) dans le premier festival RIO qui se tenait au New London Theater en 1978… J’étais bassiste intérimaire dans UZ, Guy Segers devait me remplacer par la suite et nous nous partagions le répertoire. Nous avions également joué auparavant à Nancy dans cette formule à deux basses alternées.
Puis ce mouvement s’est quelque peu endormi, le public a de moins en moins suivi et les artistes ont repris chacun leur voie. Le RIO est resté dans les mémoires comme une étiquette large englobant rock progressif, avant-garde, fusion, psychédélique ou expérimental hors du contrôle de l’industrie musicale.
Jusque à une renaissance du mouvement en 2007 sous l’impulsion de Michel Besset et de Roger Trigaux qui se donnèrent les moyens techniques et financiers de remettre ce festival sur pied et d’en faire en France, un évènement musical annuel depuis. Je ne crois pas que ce mouvement soit confidentiel au regard du style des musiciens qui en font partie.
Les concerts qui y sont présentés sont pour la plupart sans concession, originaux. Les temps sont devenus encore plus rudes (artistiquement) pour exister, mais j’ai le sentiment que peu à peu l’intérêt du public revient vers le RIO sur une base plus large, internet aidant !
Ce que je trouve un peu agaçant et dommage, que certains groupes sont un peu dans l’imitation de Magma, Univers Zero, Art Zoyd, Henry Cow…) On aimerait découvrir d’autres sons, d’autres tendances, d’autres originalités. Les temps ont changés, attention de ne pas tourner en rond !

Quels sont les musiciens avec qui tu aurais aimé travaillé ?
J’ai passé vingt-cinq années dans Art Zoyd avec des compagnons formidables (Gérard, Jean Pierre, Patricia, André, Daniel…) Nous nous sommes presque tout permis artistiquement jusqu’à une grande lassitude et des envies différentes de part et d’autre, précisément entre Gérard et moi qui étions de 71 à 97 les deux têtes du groupe Art Zoyd…
Gérard souhaitait s’orienter vers la musique contemporaine et ses réseaux de compositeurs en résidence… et utiliser plus de technologie, je souhaitais vivement le contraire, le moment était venu de nous séparer…
J’ai donc ensuite fait un long chemin solitaire, comme compositeur, dans mes projets et ceux d’autres artistes, chorégraphes, metteurs en scène, réalisateurs… C’était aussi une sorte de thérapie: Ne plus être attaché artistiquement au langage d’un ensemble de musique devenu comme un sorte de parti politique dont il ne fallait pas sortir des lignes y compris des miennes et j’ai donc en quittant Art Zoyd, avec bonheur, joui de cette nouvelle liberté.
Alors aujourd’hui après tous ces chemins de traverses, si je me prenais à rêver d’une nouvelle expérience, c’est avec Daniel Denis (UZ) que j’aimerais jouer mais sûrement pas dans un contexte à la Univers Zero ou Art Zoyd car pour moi les temps ont bien changé. Non dans une autre sensibilité, une approche différente à chercher, nourrir, inventer…
Mais il me reste tant à faire sinon !

Comment procèdes-tu dans la création, tu pars de quoi ? Une rythmique, une mélodie, un son, par quel instrument commences tu ?
Je dirais que c’est un grand bazar ! En fait, souvent, au départ, mes compositions sont de grandes improvisations dans tous les sens du terme, comme je ne suis pas lecteur, je n’écris pas sur papier mais je joue et m’enregistre avec tout et n’importe quoi, je provoque l’inspiration puis je laisse venir, souvent je rejette puis reprends, j’ai besoin de me mettre dans un état d’écoute profond et là tout devient permis, je peux par exemple utiliser ma voix ou ma basse pour ébaucher un rythme, une mélodie, un accord puis directement y introduire le violoncelle et parfois cette petite ébauche ne sera pas utilisée mais aura ouvert un chemin vers d’autres sensations plus magiques que je développerais ultérieurement. Je ne suis pas du genre à théoriser ou à écrire un essai de 500 pages avant de sortir un son, je travaille instrument en main d’ans l’organique, la spontanéité avec brutalité parfois mais pour mieux sortir douceur et tendresse. Il arrivé que la méthode de travail soit plus douce en cherchant sur un piano, harmonie et rythme , imaginant le décor ou l’atmosphère que je planterai autour en studio. J’essaye d’éviter les règles et les systèmes mais comme tout être humain parfois je n’y parviens pas mais le fait d’avoir tenté d’éviter certaines habitudes m’amène souvent vers quelque chose d’inattendu au final. En général, je travaille dans mon studio, là, tout est prêt à être enregistré et si besoin, re-traité sur le champs ! micros et interfaces prêt à l’emploi et ensuite, j’ai besoin d’aller vite pour les choses techniques de manière à rester le plus léger et fluide lorsque l’inspiration vient. Comme je le disais au début, il s’agit bien d’une grande improvisation dont je ne conserverais que l’essence même. Bien sûr, lorsque l’on me commande une musique pour la Danse, le Théâtre, le Film, j’ai des contraintes précises (atmosphérique, utilisation d’instrument particulier, ruptures…) mais ma méthode reste identique. Je m’adapte.

Que penses tu des logiciels prêt à l'emploi, on en voit dans les domaines de la world, l'ambient, l'électronique... Le tout "prêt à l'emploi" ( textures, séquences, voix...) ne tue t'il pas la recherche, l’inspiration ?
Je pense que si l’on veut rester soi-même, il vaut mieux ne pas trop utiliser ces choses prêtes à l’emploi, certains logiciels sons sont intéressants et j’en utilise parfois mais hors du contexte proposé et mêlés à mes propres sons ou textures. Il faut savoir garder ses distances mais ne pas se fermer.
Je fais partie de ces gens qui utilisent la technologie et qui ne veulent pas la mettre en avant,
devant ! Je m’y intéresse et je développe autour… Elle doit être au service, de nos idées, de nos envies, des émotions que nous voulons communiquer. Je trouve que certains compositeurs et artistes, actuellement se cachent derrière leur équipement, leurs logiciels et leur théorie et l’on a parfois du mal à sentir quelque chose derrière et c’est toujours très froid et généralement cela ne va nulle part …

Propos recueillis par Thierry Moreau au printemps 2019

Labels Aria

SHARE  |  PARTAGEZ